Nous pourrions presque dire que c’est partout la même chose : le digital s’infiltre dans le monde du recrutement comme ailleurs, sans véritablement demander la permission d’entrer. Est-ce dangereux pour l’avenir du métier de recruteur ? Ou, au contraire, est-ce une opportunité pour créer encore plus de valeur ?
I. La peur de la déshumanisation du recrutement
Lorsque l’on parle de transformation digitale s’appliquant au métier de recruteur, il n’est pas rare de voir ou d’entendre chez son interlocuteur une pointe de suspicion ou de méfiance. Il est vrai que coupler le terme « transformation » à « digital » en fait une expression à priori digne de tous les soupçons et cause de nombreux maux.
Ces derniers peuvent être généralement regroupés en quatre catégories :
Le clonage et l’uniformisation à grande échelle : les spécificités de tout un chacun se perdent, un seul et même profil stéréotypé est recherché parce qu’il correspond aux standards d’une société qui ce faisant se perd elle-même ;
La discrimination : conséquence presque obligatoire de clonage et de l’uniformisation, la discrimination se traduit dans le monde du recrutement par la disqualification de tout candidat ne répondant pas aux standards évoqués, censés correspondre au profil du fameux « candidat idéal » ;
La perte de l’humain : l’évaluation des profils des candidats se fondant uniquement, à cause du digital, sur des règles rationnelles ne prenant aucunement en compte les nombreux aspects spécifiques et non mesurables des personnes et des postes. Cette manière de travailler ferait du recrutement un simple processus algorithmique, validant ou non un profil sur base des standards déjà évoqués ;
La perte d’emplois : il arrive d’entendre des discours nous poussant à voir la digitalisation du recrutement comme une démarche de remplacement du recruteur par une sorte de robot. Celui-ci, ayant été délesté de ses capacités à analyser toutes les facettes d’un profil, se verrait forcé de s’en remettre entièrement à un logiciel détenteur de la vérité sur la qualité et l’intérêt d’un profil.
II. Le visage réel de la transformation: transformer le métier, non pas le recruteur
Mais est-ce réellement cela, la transformation digitale du recrutement professionnel ? N’a-t-on pas la possibilité d’en faire quelque chose qui servirait l’humain ? Qui ne serait taxable ni de clonage ni de discrimination ? En réalité, on ne peut tout simplement pas automatiser à 100 % le recrutement. Il y a dans cette activité une part humaine qui ne sera jamais remplaçable.
Loin des démons qu’on lui attribue trop souvent, la transition digitale ne vise donc pas à transformer le recruteur. Elle ne peut faire de lui un robot qui ne serait que la bouche d’un logiciel. Elle est là pour transformer son métier et ses méthodes de travail.
La digitalisation est un outil au service du recruteur. Elle a vocation à rendre possibles des actions et des traitements qui sont humainement impossibles à réaliser ou extrêmement chronophages. Ainsi, elle permet au recruteur de se concentrer sur les tâches nécessitant la mise en œuvre de compétences exclusivement humaines, comme l’intuition, le flair et l’improvisation.
Utilisée à bon escient et par un recruteur formé aux outils digitaux, cette transformation de la profession présente divers avantages de premier ordre :
Industrialisation des techniques d’animation d’un réseau de relations ;
Exhaustivité dans la recherche des profils par le traitement de la totalité des candidatures ;
Amélioration de la productivité et de l’efficacité par l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée.
III. Les points forts d’une transformation grâce au digital du métier de recruteur
1. Apparition d’une nouvelle compétence : l’animation d’un réseau de relations
L’automatisation de la compilation et du traitement des profils permet au recruteur de disposer d’outils statistiques permettant de projeter chaque candidat dans l’avenir et de mesurer l’adéquation du poste proposé avec l’évolution souhaitée par le candidat. Ce faisant, le recruteur développe une capacité nouvelle à animer un réseau de candidats, quelle que soit sa taille, de manière personnalisée, en se basant sur les spécificités de chaque candidat. Cette personnalisation des relations rend possible le choix un type d’animation différent.
De plus, la mise en contact est optimisée. L’analyse d’un profil permet au recruteur d’identifier le contexte idéal pour contacter le candidat, améliorant ainsi le timing en « anticipant » à quel moment il est opportun d’entrer en contact avec lui. Il lui est également possible de choisir le canal de mise en contact le plus adapté (envoi de mail, invitation à un événement thématique, etc.) et d’identifier le meilleur intermédiaire (coopteur, ancien collègue, ancien camarade de promo', etc.).
Il s’ensuit alors une cooptation plus efficace. D’ailleurs, cette méthode de recrutement est l’une des plus utilisées dans de nombreux domaines professionnels. Avec les outils Big Data, il est désormais possible de se doter d’outil efficace de création et d’animation d’un réseau de « super-coopteurs » : Sélection, suivi personnalisé, accompagnement à la définition de l’approche, etc.
2. Exhaustivité dans la recherche des profils par le traitement de la totalité des candidatures
Les capacités humaines sont nécessairement limitées. N’échappant pas à cette règle, les capacités d’un recruteur pour le traitement de candidatures le sont également. Bien souvent, celles-ci sont estimées à 500 candidatures par jour. Ce chiffre ne permet, au final, que l’établissement de listes courtes, résumées à quelques profils seulement.
Or, l’inconvénient de cette limitation des capacités humaines est rapidement visible : et si le meilleur profil était le 555e ? Ou, pire, le 501e… Allez-vous prendre le risque de le perdre ? Allez-vous vous dire « allez, encore un, on ne sait jamais » ? À ce rythme-là, on ne s’arrête jamais et on perd en efficacité.
Nous sommes donc ici dans un cas où l’apport d’une solution digitale est majeur. Avec des algorithmes d’intelligence artificielle, il est possible de faire un « pré-tri » par pertinence des candidatures, quel que soit leur volume initial. Cette première sélection permet alors à un recruteur attentif de conserver pour son analyse détaillée les profils les mieux classés. Le risque de passer à côté de la perle rare est réduit au maximum.
3. Amélioration de la productivité et de l’efficacité par l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée
L’automatisation des processus à faible valeur ajoutée est un gain évident et essentiel de la digitalisation. On estime généralement que ce genre de tâche correspond à environ 50 % de la phase de qualification des profils. Autant dire que cela prend du temps, un temps qui pourrait être bien mieux utilisé pour d’autres tâches par le recruteur.
Mais quelles sont ces tâches chronophages que l’on peut confier sans crainte à un logiciel ?
Le téléchargement, ouverture et fermeture des CVs ;
La saisie du profil dans les outils de gestion ;
Les recherches des liens dans les réseaux sociaux ;
La récupération de l’historique du candidat dans l’outil de gestion de candidats
L’envoi des emails « Découverte » et de mise en contact, etc.
Cette liste, bien que non exhaustive, couvre une part importante de ces activités qui peuvent demander des heures de travail tout en donnant l’impression de ne pas avoir fait ce que l’on devait effectivement faire : sélectionner des profils pertinents. Alors certes, après avoir fait tout cela, le recruteur dispose d’informations utiles pour opérer ladite sélection, mais avec un outil digital bien calibré, tout aurait été tellement plus rapide…
Cette rapidité, source d’une économie de temps considérable, permet au recruteur de concentrer ses efforts sur les dossiers les plus prometteurs, sur la discussion avec les candidats, l’évaluation de leurs potentiels d’intégration, leurs perspectives d’évolution, etc.
IV. La transformation digitale, une opportunité inévitable pour les recruteurs
Est-ce que l’arrivée du digital dans le monde des recruteurs a de quoi faire peur ? Notre réponse est non ! La digitalisation est en réalité une opportunité pour les recruteurs. Cette transformation va leur permettre de changer la manière dont ils travaillent.
Déléguant les tâches facilement automatisables et ne nécessitant pas les capacités réelles des recruteurs (capacités d’analyse, connaissances du marché, bonne gestion des entretiens d’embauche, etc.), ces derniers peuvent faire leur métier à plein temps, en se préoccupant bien moins du reste.
Comme pour la majorité des métiers, la transformation de ce métier est lancée et est irréversible. Chaque recruteur doit y faire face et trouver la solution qui va lui permettre de l’intégrer dans ses méthodes de travail de la meilleure manière possible. Elle est pour lui une chance d’améliorer tangiblement sa productivité et son efficacité en favorisant un plein usage de ses qualités professionnelles par automatisation des tâches préparatoires. Travailler moins pour travailler mieux, en somme.